2364×1578
Marc Boucherot est neÌ sous le sapin le 24 deÌcembre 1968 aÌ NoumeÌa. Cet ancien diplĂŽmĂ©Ì des Beaux-Arts de Marseille a exposĂ©Ì aÌ au Palais de Tokyo, la FIAC (Foire Internationale de lâArt Contemporain), la Fondation Ricard, au FRAC et au MAC (MusĂ©e dâArt contemporain) de Marseille. Il a eÌteÌ inviteÌ aÌ plusieurs biennales internationales dont celles de la Havane et de Canton. Son travail a fait lâobjet de recherches universitaires notamment Art contemporain et citadins aÌ Marseille, 2012 dirigĂ© par Sylvia Girel (Professeure des universiteÌs et chercheuse au CNRS-LAMES/MESOPOLHIS); Paul Ardenne (AgreÌgeÌÌ dâHistoire & commissaire dâexposition) et ses ouvrages Un Art Contextuel, 2002; Art, le preÌsent, 2009 ; Marc Rosmini (Professeur de philosophie), Marseille ReÌveÌleÌe par lâArt Contemporain, 2007…
« Interventionniste de gĂ©nie et grand archiviste de lâhumain, Marc Boucherot sâengage dans le champ du rĂ©el et produit des Ćuvres dont le point de dĂ©part est lâimmersion dans un territoire particulier. Il sâagit alors de mettre Ă lâĂ©preuve des structures sociales, Ă©conomiques, culturelles et mĂ©diatiques. » (Philippe Vergne, directeur du MAC de Porto). « Sa pratique prend appui sur toutes les formes de travail et d’Ă©conomie parallĂšles, celles qui ne connaissent ni limites, ni frontiĂšres, et contribuent Ă niveler les valeurs d’usage et d’Ă©change. Un exemple : les baraques mobiles qui servent Ă gagner trois sous dans la « misĂšre du monde », peuvent mĂȘme aller jusqu’Ă s’installer dans une salle du CNAP (…) L’empire de Marc Boucherot est celui du systĂšme D et du rĂ©el in vivo. » (Evelyne Jouanno critique dâart & commissaire d’exposition, MAXXI, Rome).
Avec Boucherot, on est aux antipodes de l’Ă©talage de virtuositĂ© thĂ©orique qui tourne Ă vide et des complicitĂ©s de classe du monde de l’art. On se souvient d’un de ses premiers coups d’eÌclat façon âFar Westâ, du petit train touristique du panier. Une production intituleÌe « On nâest pas des Gobis » motiveÌe par un processus de folklorisation de la miseÌre, qui conduisait certains guides aÌ vendre du frisson aux touristes en les mettant en garde contre les âvoleurs de sacsâ de ce quartier populaire. LâeÌpisode fera lâouverture du 20 heures de TF1. Dâautres conservent preÌcieusement le souvenir de 200 minots en train de repeindre la rue dâAix de Belsunce en rose au balai, sous sa direction, pour protester contre la fermeture de leur centre social. LâĆuvre-performance sera intituleÌe « La Vie en Rose ».
Boucherot a aussi trimballeÌ son ceÌleÌbre triporteur (une baraque ambulante classeÌe par le Fond ReÌgional dâArt Contemporain) aux quatre coins du monde. Il sâest infiltreÌ parmi des clandestins mexicains le long de la frontieÌre avec les EÌtats-Unis. Il en rameÌnera des films et des objets (ex-voto et amulettes utiliseÌs pour passer la frontieÌre) qui feront lâobjet dâune installation intitulĂ©e « Le Bonheur Pour Pas Cher » aÌ la Fondation Ricard et aÌ lâinvitation de la Foire Internationale dâArt Contemporain (commissariat Evelyne Jouanno ). Lâartiste sâest aussi fondu dans le quotidien dâune famille libanaise sous les bombardements (« Famille en Guerre », une exposition de photographies aÌ lâInstitut Culturel Français de Beyrouth). Lâhomme sâest aussi immergeÌ dans la vie des cartoneros qui vivent de et dans la plus grande deÌcharge aÌ ciel ouvert de Joao Pessoa dans le Nordeste breÌsilien. LaÌ, il travaille plusieurs mois avec lâanthropologue Giovanni Souza de Lima et les eÌcologues de lâUniversiteÌ Paraiba sur les conseÌquences de la pollution des grandes meÌtropoles sur les ĂȘtres vivants de la peÌripheÌrie. Plus reÌcemment, ce pionnier de lâinventaire du reÌel a infiltreÌ pendant plusieurs mois (aÌ lâinvitation d’Evelyne Jouanno et Hou Hanru pour la Triennale dâArt Contemporain de Canton, Chine) le quotidien des paysans chinois de Nanlin, un village de haute montagne preÌs de Canton. Le site – qui attire misanthropes deÌsabuseÌs, chinois de la classe supeÌrieure en queÌte de paradis naturel, parias, politiciens corrompus et investisseurs ambitieux – doit servir de laboratoire pour le deÌveloppement dâun projet eco-touristique et architectural colossal combinant capitalisme vert et culture. Ce que lâartiste observe dans ce village chinois en cours de transformation ce sont deux âestheÌtiquesâ qui se juxtaposent lâune veÌcue, l’autre construite aÌ travers un exotisme facile teinteÌ dâun rabaÌchage caporaliste eÌcologiste. Il en sortira « Nanlin, I Love You », une Ćuvre photographique incitant aÌ la deÌtente internationale.
CURRICULUM VITAE
FORMATION
1992 : DiplĂŽme de lâĂcole des Beaux-Arts de Marseille avec les fĂ©licitations du jury.
EXPOSITIONS
INTERVENTIONS
CONFERENCES
BIBLIOGRAPHIEÂ
Ătudes acadĂ©miques :
Catalogue dâexposition :
Articles & extraits dâouvrages (sĂ©lection) :
TVÂ :
COLLECTIONS PUBLIQUES
COLLECTION PRIVEE
Un vrai-faux record du monde de vitesse en trottinette, un samedi 24 avril Ă 11h, Ă la rue dâAubagne qui relie le quartier des artistes de la Plaine Ă Noailles, celui des Arabes et des Noirs. Je nâai obtenu aucune autorisation pour cette performance donc jâavais fait croire au Guinness Book et aux journalistes que la mairie et la prĂ©fecture avaient donnĂ© leur accord. Le record Ă©tabli Ă 45, 853km/h garantit mon diplĂŽme des Beaux-Arts et un apĂ©ro au bar de la salle des ventes, chez Amar. Bar de clandos et cabaret de raĂŻ lĂ©gendaire (film inĂ©dit).
https://www.youtube.com/watch?v=kkBA2F2lSZA
Le centre social de Belsunce-Bernard Bois est menacĂ© de fermeture faute de moyen. Je propose Ă lâĂ©quipe de travailleurs sociaux de peindre la rue dâAix en rose. On a mis les 200 enfants du centre et leurs parents dans le coup. Et avec deux voitures on a dĂ©versĂ© 500 litres de peinture Ă bateau rose malabar que les gamins ont Ă©talĂ©s sur le sol. RĂ©sultats: en quelques minutes la rue dâAix Ă©tait entiĂšrement rose, un embouteillage historique (Il faudra sabler la rue pour la rĂ©ouvrir) et un trĂšs beau monochrome.
La performance a eu lieu le 14 juillet 1994. Elle consistait Ă attaquer avec des Ćufs et de la farine le petit train touristique du Panier qui faisait passer les habitants du quartier pour des singes dans un zoo. Mon objectif : engendrer un dĂ©sagrĂ©ment salutaire. LâĂ©pisode fera lâouverture du 20 heures de TF1. L’action sera jugĂ©e au tribunal et exposĂ©e le mĂȘme jour au MAC de Marseille (photos et mon procĂšs-verbal) posant le problĂšme du jugement de l’Etat et des institutions dans ce type d’affaires.
Faire d’une journĂ©e ordinaire de chantier un acte artistique exceptionnel. Suite Ă une invitation de Anne Marie Pecheur, Jean Baptiste Audat (artiste panafricain) et Francois Batzoli (Professeur d’histoire de l’art qui s’Ă©coute parler) qui venaient d’acquĂ©rir les grands bains douche de la rue de la bibliothĂšque Ă Marseille pour y crĂ©er la galerie Art Cade, je leur propose de m’occuper de la dĂ©molition et de l’extraction des gravas de plus de 300 m2 de cloisons, de baignoires en marbre ainsi que de la tuyauterie, chaufferie et d’une immense cuve en mĂ©tal de plusieurs tonnes. Je fonde alors ‘Enterprise » la premiĂšre entreprise de BTP qui n’existe pas avec un poing fermĂ© prĂȘt Ă frapper comme logo. Pour la sĂ©curitĂ© du chantier, j’opĂšre sous la direction d’un futur grand architecte: Bastien Rispoli. Je constitue un bataillon de 20 collĂšgues de bar que j’habille des pieds Ă la tĂȘte en respectant scrupuleusement tous les codes visuels des entreprises de BTP avec tenues et outil siglĂ©s au logo « Enterprise ». Je loue des chalumeaux dĂ©coupeurs, un marteau piqueur et une immense benne de 21 m3. Le Jour J c’est titanesque, toute l’Ă©quipe s’envole dans un Ă©lan de destruction massive et c’est le chaos. Les murs tombent les uns aprĂšs les autres, les tuyaux sont transformĂ©s en mikado. L’aprĂšs midi c’est le balet incessant des brouettes qui extraient les gravas vers la benne gĂ©ante. Avec le centre social de la rue D’Aix (toujours ouvert aprĂšs l’opĂ©ration « la Vie en Rose »), j’organise des visites pour les gamins dont les papas travaillent souvent dans le BTP. Des artistes et des gens de la culture suivront la dĂ©molition jusqu’Ă la fin du chantier. Bilan: 21m3 de gravas, 300m2 de vide, 20 travailleurs bĂ©nĂ©voles, pas d’autorisation, pas d’agrĂ©ment, pas d’assurance, pas de contrĂŽle…pas de blessĂ©. Le tout en plein centre ville… Une Ă©poque bĂ©nie des dieux. Un entrepreneur qui visitait la fin de chantier me propose mĂȘme d’embaucher tout le monde, mais tous prĂ©fĂšrent retourner au bar. AprĂšs deux ans de rĂ©novation, la galerie ouvre ses portes et je participe Ă la premiĂšre exposition ou je montre tout le matĂ©riel et les outils. Comme pour toutes les entreprises qui n’existent pas, je n’ai jamais eu d’atelier, je n’ai jamais Ă©tĂ© payĂ© et je n’ai jamais touchĂ© d’argent public pour mon travail.
A l’invitation de l’Ăcole des Beaux-Arts de Marseille autour d’un projet intitulĂ© « Luminy Ă la rencontre de Marseille » qui cherchait Ă combler le gouffre entre le mileu des artistes et les habitants de Marseille. Je dĂ©cide de faire venir Ă l’intĂ©rieur de la galerie un dragster fabriquĂ© par des amis du gang de bikers « les Huns » de Bordeaux et pilotĂ© par Jojo Merignac, leur prĂ©sident. Le soir du vernissage, on fait un burn out contre le mur allouĂ© par la galerie de l’Ăcole d’art. L’idĂ©e Ă©tait de mettre rĂ©ellement en contact les gens de l’Ăcole d’art et Marseille. Comment ? En obligeant tous les spectateurs Ă sortir de la galerie pour se retrouver dans la rue. Le soir du vernissage, on attend que la galerie soit pleine Ă craquer pour faire dĂ©marrer le dragster, roue avant bloquĂ©e et pneu arriĂšre brulant sur lui mĂȘme jusqu’a exploser dans un vacarme insupportable et une fumĂ©e dense rendant la salle d’exposition irrespirable. Le public des afficionados de l’art contemporain doit alors trouver la sortie et se rĂ©fugier dans la rue. J’avais demandĂ© Ă des complices d’appeler les pompiers afin de rendre l’atmosphĂšre encore plus chaotique. La rencontre entre l’art contemporain et la rue marseillaise a bien eu lieu ce soir lĂ . Et l’art au final ? Une trace sur le mur laissĂ©e par la gomme du pneu brulĂ© et un trou dans le sol immaculĂ© de la galerie.
Une exposition des logos gĂ©ants des plus grandes marques de vĂȘtement des annĂ©es 90s dans la citĂ© du Petit Bard (Montpellier). Lâexposition sera prĂ©cĂ©dĂ©e dâun match de foot et suivie dâun grand LOTO. Des vĂȘtements de marque pouvaient ĂȘtre gagnĂ©s, mais au Petit Bard personne ne tire le gros lot.
FunĂ©railles de Pablo Escobar en Colombie, 1993. A mon retour de Colombie, j’installe des hauts parleurs dans les spots de deal du quartier du panier Ă Marseille et un soir je diffuse le son d’un documentaire sur l’histoire des cartels de Colombie intitulĂ© ‘A qui profite le trafic de cocaine ?’ Au mĂȘme moment, un grand portrait photographique du parrain colombien est exposĂ© au FRAC (Avis de TempĂȘte, commissariat Eric Mangion)
OpĂ©ration papillon, n.f. (lat. operation papilio), expĂ©dition trans-guyanaise que je rĂ©alise en 1995 avec Jacky Halter et Marie Ange de la Pinta, la sorciĂšre du Panier. Objectif: explorer la plus grande frontiĂšre francaise et rĂ©ouvrir l’ancienne route migratoire qui permettait aux Indiens EmĂ©rillons de migrer de Camopi vers la cote Caraibe. AprĂšs ĂȘtre partis du Surinam en pirogues en direction du BrĂ©sil et avoir traversĂ© la montagne aÌ pieds avec 23kg sur le dos, on arrive aÌ Camp Jesus. A notre arrivĂ©e, nos guides Ă©taient dĂ©jaÌ partis aprĂšs s’ĂȘtre saoulĂ©s sur place et avec leur paye en poche. Un seul guide de la premiĂšre Ă©quipe dĂ©cide de rester avec nous: Marcel Sabayo, ancien soldat amĂ©rindien du Jungle Commando. Dans la crique voisine, nous dĂ©couvrons une plaque qui indique « Henry de Monfreid est mort aÌ Camp Jesus » et une pirogue coulĂ©e que nous rĂ©parons avec nos habits. Nous fabriquons des rames avec des troncs d’arbres et descendons d’affluent en affluent, en se disant que les petits se jettent dans les grands. Une semaine de voyage sans alcool, sans cigarette avant d’atteindre Camopi en terres Ă©mĂ©rillons et enfin le BrĂ©sil avec Villa BrĂ©sil, premiĂšre enclave brĂ©silienne en Guyane dans l’Ă©tat d’Amapa. Deux mois plus tard, une exposition aura lieu aÌ la mairie de Camopi…
Je pars avec Yann Daumas et Sofiane Mammeri vivre et travailler six mois dans la communautĂ© de Tapacura, une favela situĂ©e sur les rives du fleuve Capibaribe de RĂ©cife dans le cadre dâun Ă©change culturel Marseille/Pernambuco. On sâinstalle chez une famille mais les gens de la favela ne nous font pas confiance. Alors on organise des matchs de foot avec les gamins avec tee shirt Ă gagner, puis on passe aux ateliers vidĂ©o. Il nous a fallu trois mois pour sortir les camĂ©scopes. Et nous avons rĂ©flĂ©chi a ce que pouvait signifier la crĂ©ation artistique au milieu de lâextrĂȘme pauvretĂ©. La rĂ©ponse sâest imposĂ©e dâelle-mĂȘme quand nous avons eu nous aussi des problĂšmes dâargent. Il fallait trouver un moyen de sâautofinancer. Nous avons construit avec lâaide des gens qui nous entouraient ces fameuses baracas dont nous avons fait un moyen de survie. Les baracas sont des architectures de premiĂšres nĂ©cessitĂ©s, des baraques ambulantes vendant boissons, nourriture et son. Peu Ă peu, nous nous sommes convaincus de lâidĂ©e de recomposer cet environnement utilitaire qui reprĂ©sente 60% de lâĂ©conomie parallĂšle du Nordeste. MontrĂ©e Ă la Fondation Joachim Nabuco, lâune des plus anciennes institutions musĂ©ales de Recife, notre exposition de charrettes Ă bras fait scandale. Nous nous Ă©tions dĂ©brouillĂ©s pour organiser un systĂšme de transport afin de permettre aux habitants de la favela de venir au vernissage. Pour moi, une action artistique câest quand une histoire fonctionne et que tous ses acteurs parviennent Ă sây inscrire. Et cela a effectivement fonctionnĂ©. Les gens de la favela sont venus nombreux, ont vu leurs objets, se sont appropriĂ©s le lieu, et se sont mis Ă danserâŠMais cela nâa pas amusĂ© lâinstitution qui ferme le lieu au public deux jours seulement aprĂšs le vernissage.
Triennale Internationale dâArt Contemporain de Canton, Chine, 2006, Commissariat Evelyne Jouanno et Hou Hanru. Nanlin est une petite ville en zone pĂ©ri-urbaine destinĂ©e Ă devenir le premier site dâĂ©co-tourisme de Chine. Pour promouvoir ce projet, les entreprises chinoises ont fait appel Ă trois artistes français (Sylvie Blocher, Matthieu Brillant et moi-mĂȘme). Le projet officiel visait Ă archiver la mĂ©moire vivante du site avec lâaide des habitants et des Ă©cologues locaux. Je fabrique avec les habitants et à leur demande un karaokĂ© ambulant invitant « Ă la dĂ©tente » internationale. Le karaokĂ© est exposĂ© dans un musĂ©e local dans le cadre de la triennale de Canton. Je dĂ©cide de voler ma propre piĂšce pour l’exposer au centre du village de Nanlin ou elle a Ă©tĂ© fabriquĂ©e. Un feu d’artifice d’adieu en forme de croix m’attend. Campai !
Â
Synopsis : JoĂŁo Pessoa, capitale de lâĂtat de ParaĂŻba au BrĂ©sil. Cette communautĂ© dâun millier dâĂąmes trie les dĂ©chets pour les revendre Ă des marchands de matĂ©riaux de rebut. Câest le plus bas niveau de lâĂ©chelle de lâĂ©conomie parallĂšle brĂ©silienne. Ces personnes vivent dans des cabanes de tĂŽles ondulĂ©es et de cartons, et se nourrissent des dĂ©chets trouvĂ©s. Câest en partenariat avec le professeur Giovanni, anthropologue de lâuniversitĂ© fĂ©dĂ©rale de JoĂŁo Pessoa que ce documentaire a Ă©tĂ© rĂ©alisĂ©. Celui-ci rĂ©alise une thĂšse sur les petites mains de lâĂ©conomie de survie (dans le domaine du recyclage de matĂ©riaux en tout genre) au BrĂ©sil. Il montre les diffĂ©rentes Ă©tapes du tri et de la sĂ©lection des matĂ©riaux, les conditions inhumaines de survie de ces individus et lâĂ©norme problĂšme Ă©cologique que ce site crĂ©e.
Catando a vida, de Marc Boucherot, film 20â.
LES REPERCUSSIONS DU FILMÂ :
A la suite des prises de vue rĂ©alisĂ©es en 2000 Ă la demande du professeur de lâUFPB Giovanni Souza sur la rĂ©alitĂ© des collecteurs d’ordures du site du Roger, il Ă©tait incontournable pour Marc Boucherot dây retourner, afin de constater l’Ă©volution de la situation
Lors de son retour en fĂ©vrier 2002, la situation a considĂ©rablement Ă©voluĂ©, tout d’abord grĂące aux images faites par Marc en 2000, le professeur Giovanni Souza de Lima a pu faire prendre conscience aux autoritĂ©s et Ă la presse locale de la gravitĂ© de la situation humaine et Ă©cologique du site.
A la suite de la diffusion du documentaire, il y a eu un regain d’Ă©nergie de la part des travailleurs et des associations qui les soutiennent pour revendiquer de nouveau des moyens plus dĂ©cents de travail et de survie. Les travailleurs de matĂ©riaux de recyclage (ASTRAMAR) qui habitent sur le dĂ©potoir ou dans la favela du HESS, contigu Ă la dĂ©charge ont gagnĂ© en investissant les locaux de la PrĂ©fecture de JoĂŁo Pessoa et en manifestant dans les rues de la capitale.
Un programme a Ă©tĂ© mis au point par le gouvernement de l’Ătat, rĂ©pondant plus ou moins aux demandes des « catadores » (chercheurs de poubelles):
-Le relogement partiel des gens qui vivaient jusqu’Ă prĂ©sent dans la dĂ©charge et se nourrissaient de dĂ©tritus. Mais malheureusement ce relogement sâest effectuĂ© dans des conditions proches de celles du dĂ©potoir (environnement trĂšs violent dĂ» Ă l’insalubritĂ© et Ă la promiscuitĂ© et surtout dĂ» Ă l’abandon total des pouvoirs publics).
-L’interdiction de travailler pour les mineurs de moins de 15 ans avec obligation d’aller Ă lâĂ©cole (faute de quoi, on supprime Ă la famille la bourse dĂ©risoire qui leur est allouĂ©e).Avec la menace de prison si les enfants sont pris en train de travailler sur le dĂ©potoir par la police qui veille 24 h sur 24.
-La construction d’un mur d’enceinte dissuasif tout autour du lieu.
-Le retrait définitif des animaux que certains éleveurs urbains nourrissaient sur la décharge (porcs) pour des raisons économiques.
-la construction d’une centrale de captation afin d’organiser un tri sĂ©lectif fait directement par les « Catadores », Ă©vitant au passage les intermĂ©diaires (atraversadores) qui achetaient jusque-lĂ de façon obligatoire et rĂ©pressive les matĂ©riaux triĂ©s par les catadores pour les revendre jusqu’Ă 100 fois plus cher Ă quelques mĂštres de lĂ aux « vendadores » (vendeurs). A terme, la dĂ©charge devrait d’ici quelques annĂ©es disparaĂźtre pour ĂȘtre transfĂ©rĂ©e ailleurs, mais le problĂšme reste insoluble car aucune autre commune avoisinante ne veut de ce « cauchemar Ă ciel ouvert ». -Le problĂšme reste dans son intĂ©gralitĂ© pour les dĂ©chets hospitaliers, toujours stockĂ©s dans des tranchĂ©es Ă l’air libre, sans aucun traitement de dĂ©contamination au prĂ©alable et de maniĂšre totalement illĂ©gale et sur lesquelles les autoritĂ©s ferment les yeux.
Charettes Ă bras
Texte et entretien Evelyne Jouanno, commissaire d’exposition
L’empire de Marc Boucherot est celui de la combine et du systĂšme D, du rĂ©el in vivo pour le meilleur et pour le pire. Quand il n’est pas Ă Marseille pour dĂ©clencher des actions avec ses « frĂšres » de quartiers (attaque d’un petit train de touristes, badigeonnage en rose de toute une avenue par des enfants, record du monde de vitesse en trottinetteâŠ), ou au milieu des fĂȘtes et manifestations avec ses baraques ambulantes et sonorisĂ©es, c’est qu’il se trouve Ă l’autre bout du monde, dans les coins retirĂ©s et sensibles (Colombie, Nordeste du BrĂ©sil, Maroc, frontiĂšre amĂ©ricano-mexicaineâŠ), d’oĂč il ramĂšne tĂ©moignages filmĂ©s et inspiration. Tournant dos depuis plus de dix ans aux systĂšmes Ă©tablis, l’art est devenu pour lui un champ d’action permettant de nĂ©gocier et d’interagir directement avec rĂ©alitĂ©, d’y soulever aussi les injustices et les incohĂ©rences. Sa pratique prend appui sur les formes d’Ă©conomies parallĂšles, celles qui ne connaissent ni limites, ni frontiĂšres, et contribuent Ă niveler les valeurs d’usage et d’Ă©change. Les baraques mobiles qui servent Ă gagner trois sous dans la « misĂšre du monde », peuvent mĂȘme aller jusqu’Ă s’installer dans une salle de musĂ©e. Sous l’intitulĂ© Ă l’humour quelque peu dĂ©calĂ© Tout va bien, l’artiste les utilise alors pour y proposer « Le bonheur pour pas cher ».
UN ENTRETIEN Evelyne Jouanno / Marc Boucherot
Depuis plus de dix ans, tu travailles plutĂŽt en « hors-champ » : plutĂŽt hors des structures institutionnelles et du marchĂ© (de l’art !), plutĂŽt hors de France (BrĂ©sil, Maroc, frontiĂšre amĂ©ricano-mexicaine, rassemblements altermondialistesâŠ). Comment considĂšres-tu ton rĂŽle en tant qu’artiste ?
Je pense que le travail d’artiste et celui de citoyen, c’est pareil. Aujourd’hui on nous parle de mondialisation, mais il faudrait aller regarder sur le terrain comment cela se passe. Mon objectif est d’utiliser l’art comme vecteur de permissibilitĂ© dans un systĂšme de plus en plus rĂ©pressif et intransigeant. Car l’Ćuvre d’art, une fois dĂ©placĂ©e hors de ses lieux habituels de prĂ©sentation, devient un vide juridique. J’utilise donc sciemment le medium art-culture pour interagir avec la rue. Si j’Ă©tais « monsieur tout le monde », on ne me donnerait pas ce droit. Sous l’Ă©gide de l’art, tout est permis.
Tout va bien : un alibi ? une ironie ? un mode de vie ?
Les trois ! Tout va bien Ă©voque les formes d’Ă©conomie parallĂšle que l’on trouve dans tout le monde pauvre. C’est l’idĂ©e de l’ingĂ©niositĂ© des gens poussĂ©s par les nĂ©cessitĂ©s Ă©conomiques Ă fabriquer des objets qui puissent avoir une vraie vie Ă©conomique de rue. Car plus il y a de riches, plus il y a de pauvres ; et face au systĂšme international mis en place, d’autres systĂšmes sont inventĂ©s pour survivre. J’ai ramenĂ© mes premiĂšres baraques ambulantes du marchĂ© de recyclage de Casablanca. Mes objets, au-delĂ d’ĂȘtre de jolies sculptures Ă regarder dans un musĂ©e, sont capables d’assumer la rĂ©alitĂ© et de s’autofinancer par une fonctionnalitĂ© quelconque (dĂ©bit de boissons, nourriture, objets Ă vendre…), en donnant une raison sociale Ă la personne qui les utilise.
Et LĂ oĂč tu veux ?
Mon triporteur LĂ oĂč tu veux est une utopie permanente. Car pour moi, la vĂ©ritable richesse, elle est de la rencontre avec les autres. LĂ oĂč tu veux est conduisible dĂšs 14 ans, amĂ©nagĂ© avec sono, micro, enceintes, machine Ă pression, rĂ©frigirateur, comptoir dĂ©pliant, toit amovible, bĂąche, remorque et groupe Ă©lectrogĂšne. C’est un point de communication mobile capable d’animer une fĂȘte, de diffuser boissons et cigarettes, mais aussi pains au chocolat et films Ă montrer devant les Ă©coles contre la toxicomanie et les maladies sexuellement transmissibles… LĂ encore, c’est l’idĂ©e de l’objet qui n’est pas simplement joli Ă regarder, mais capable de s’adapter Ă diverses situations et d’assumer une fonction sociale dans la rue.
Et Le bonheur pour pas cher ?
Ces pochettes renvoient Ă l’art consommable : soit tu es fĂ©tichiste et tu les gardes comme Ćuvres d’art, soit tu les ouvres et les consommes.
Que signifie pour toi le déplacement de ton travail dans un contexte artistique, comme ici, dans le cadre de Prosismic ?
Je ne me pose pas la question de savoir si mon travail plaĂźt ou ne plaĂźt pas. Mon souci est que mes objets, qu’ils soient appelĂ©s sculptures ou autres, puissent occasionner de la communication, du bonheur et de la vie.
En plein lancement de Marseille Capitale de la Culture en 2013, je repeins une vieille 104 en rose en piratant le logo officiel de Marseille 2013, que je dĂ©tourne pour en faire « A Marseille, La Culture C’est l’Attaque » avec une kalachnikov en rĂ©fĂ©rence aux rĂšglements de compte qui secouaient la ville. Je rĂ©alise des affiches avec le mĂȘme logo que je colle partout dans la ville la veille de la confĂ©rence de presse internationale qui Ă©tait censĂ©e ouvrir le bal. La confusion sera totale. Je roulerai avec la 104 rose sans papier et sans assurance pendant toute l’annĂ©e 2013 arguant Ă chaque controle de police que je travaille pour Marseille 2013. J’abandonne le vĂ©hicule Ă la place des moulins au Panier (celle ou nous avions attaquĂ© le train quelques annĂ©es auparavant). La 104 aura le mĂȘme destin que beaucoup de piĂšces financĂ©es par l’argent public : A LA CASSE.